[Restaurant Le Caro de Lyon]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon
technique 1 photographie numérique : couleur
description Adresse de prise de vue : Le Caro de Lyon, 25, rue du Bât-d'Argent, Lyon 1er.
historique C'était du temps où la sombre rue Mercière, jadis symbole des nuits lyonnaises chaudes autant que tarifées, commençait à perdre ses "créatures", ses bordels et ses garnis, sortait de l'ombre pour gagner la lumière, devenait l'une des premières rues piétonnes de Lyon, peut-être même la première. Le temps où il fallait jeunesse, audace et perspicacité pour oser monter un restaurant là. Jean-Paul Lacombe et Jean-Claude Caro avaient tout cela, cimentés par l'amitié acquise sur les bancs de l'école hôtelière de Grenoble. Et puis, le fameux îlot 24, au débouché de la rue, sur la place des Jacobins, allait disparaître pour céder la place à ce qui se faisait de mieux et de plus international, alors, en matière d'hôtel de grand luxe. Un Hilton. Acheter un local et plus précisément un ancien hôtel de passe, le décorer originalement avec un mobilier délibérément kitsch, le baptiser du nom de "Bistrot de Lyon", y regrouper une équipe de jeunes serveurs et de jeunes cuisiniers, offrir une carte simple mais savamment dosée entre lyonnaiseries obligées et innovations taquines, enfin et surtout servir jusqu'à une heure avancée de la nuit (pratique alors complètement inconnue des tables lyonnaises), pouvait laisser bien augurer de l'avenir. "Nous avions, déjà, beaucoup d'audace, le mobilier style Art nouveau, vite célèbre à Lyon, fut en fait acheté aux puces", se rappelle Jean-Paul Caro. La municipalité de l'époque ayant ergoté sur le problème du terrain, Hilton jeta l'éponge et l'on construisit à la place des immeubles de rapport avec béton mais sans âme. N'empêche, le "Bistrot de Lyon" devint très vite le restaurant à la mode, pratiquant des prix sages, un service attentionné, offrant un cadre aussi propice aux longues tables d'amis qu'en petits coins pour couples complices. Les artistes des théâtres et de l'Opéra, les noctambules curieux, assurèrent la clientèle ravie de ce lieu pour couche-tard, dans une ville volontiers dévolue aux couche-tôt. Ce fut bien vite le trop plein, que Caro et Lacombe, jamais en mal d'idées, complétèrent par le "Bar du Bistrot", lieu contigu où l'on attendait une place libre au restaurant, tout en se sirotant quelque boisson. Puis le tour d'un bar à vin, ou ce dernier était servi au verre, enfin l'occupation de la rue par l'infatigable duo s'acheva avec le "Sunset Café", destiné à accueillir une jeune clientèle... Il existe toujours. Mission accomplie. Seulement voilà, Jean-Claude avait la bougeotte et "le goût de la créativité, des affaires nouvelles, des conceptions innovantes... Bouger, c'est avoir une âme." Récupérant un foyer pour jeunes filles où les garçons étaient interdits (situé juste en face du lycée Ampère, alors exclusivement masculin... pour la petite histoire), il le transforma en un nouveau lieu ouvert en 1990, "L'Italien de Lyon". Un nouveau succès, mais moins éclatant : les Lyonnais sont apparemment plus attirés par la cuisine bistrot que par la cuisine italienne. Qu'à cela ne tienne, le tandem décida de se séparer, chacun reprit ses billes en 1990, et Jean-Claude transforma cinq ans plus tard "l'Italien de Lyon" en une nouvelle maison, tout en lui gardant son côté très cosi, "Le Caro de Lyon". Réussite dès l'abord avec un personnel stylé, dans une ambiance chaleureuse faite du bois en acajou, d'immenses bibliothèques et du cuir des belles reliures les remplissant. Seulement voilà, au bout de quelques années, le quotidien l'emporta sournoisement sur l'exceptionnel, la carte s'affadit... En bon, professionnel, Caro décida une nouvelle fois de réagir : l'année dernière, il recrutait Frédéric Cote, un jeune chef originaire de Roanne, ayant passé plusieurs années à New York. Un changement de cap, un virage vers l'originalité point gratuite et vers la qualité, toujours sous la houlette omniprésente de Caro lui-même, hôte attentif de chaque instant et pour chaque client. "Il faut que jes gens aient envie de venir, de savourer le cadre, de me voir, d'être bien reçus, mais, de nos jours, le décor ne suffit plus. Ce qui est dans l'assiette est devenu primordial. Chacun aime déguster, faire des comparai- sons, en parler, y venir sur la conseil d'un ami, y revenir..." Il est vrai que les atouts ne manquent pas, entre un foie gras poêlé à la rhubarbe et salade d'épinards à la menthe, la trilogie de salades au thon grillé et anchois marinés, aux parfums de Provence, et le risotto de grenouilles en coconut à la coriandre et émulsion aux fruits de la passion. Sans parler d'un grand classique : les subtiles et sublimes saint-Jacques d'une bonne texture, accompagnées d'une crème légère à la citronnelle et au soja. Servies avec une poêlée d'artichauts et de champignons. Du coup, la salle, mais aussi la terrasse "en dur" et les trois galeries, l'un décorée par Alain Cheirette, l'autre par De Mateis, la troisième par d'Isarginy, ne désemplissent pas. On voit s'y côtoyer un ancien maire de Lyon et un actuel adjoint vert, les directeurs de l'Opéra et le premier édile de la cité, des chefs d'entreprises et des comédiens, des éditeurs et des avocats... Finalement, le plus dur est désormais de trouver une place. Sauf si l'on a réservé, bien sûr ! Source : "Caro côté Rhône" / Gérard Corneloup in Lyon Figaro, 26 décembre 2003, p.4.

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